FRANCOIS D'ASSISE AU FIL DES SOURCES - 2

DELMAS-GOYON F.

FRANCISCAINES

Résumé :

Extrait de l'introduction

 

Le contexte dans lequel a vécu François d'Assise

 

Francesco di Bernardone, plus connu sous le nom de François d'Assise, fut un homme d'une exceptionnelle sainteté, dont le rayonnement a été et est aujourd'hui encore intense. Né fin 1181 ou début 1182 et mort en 1226, il a vécu dans le contexte de la chrétienté médiévale, qui connut son apogée sous le pontificat d'Innocent III (1198-1216). À cette époque, hormis les Juifs et les communautés musulmanes établies dans les régions reprises aux Arabes (Sicile, majeure partie de la péninsule ibérique) ou temporairement conquises sur les Turcs (Terre Sainte, Syrie), tous les habitants du monde latin sont chrétiens. L'athéisme est inexistant et la totalité de la population est croyante et pratiquante, au moins extérieurement. Une part significative de la jeunesse s'engage dans le clergé séculier, les monastères bénédictins ou les ordres religieux fondés dans le sillage de la Réforme grégorienne. La compréhension du monde, de l'homme et de la vie est profondément enracinée dans la Bible. La culture, et particulièrement l'art, est marquée en son essence même par la foi chrétienne. La religion régit, constitue la référence ou sert simplement de justification à l'ensemble des composantes de la vie sociale, de l'éducation des enfants à la politique en passant par les loisirs. Les cloches des églises et des abbayes rythment la vie des gens et, par le biais du cycle liturgique et des fêtes, la religion chrétienne structure leur conception même du temps.

 

L'Église est une puissance spirituelle mais aussi temporelle car, depuis Pépin le Bref et Charlemagne, la papauté possède en propre le patrimonium pontifical (Latium) et a, du moins en théorie, autorité sur le duché de Spolète (Ombrie), la Marche d'Ancône et l'exarchat de Ravenne (Romagne). Au temps de François d'Assise, non seulement l'Église a recouvré son indépendance - la Réforme grégorienne l'a libérée de la tutelle de l'empereur germanique et des plus graves ingérences des pouvoirs politiques - mais Innocent III a reçu le serment d'allégeance vassalique de plusieurs souverains et est le tuteur du futur empereur Frédéric II. Cette puissance séculière ne doit pas masquer la vitalité spirituelle de l'Église ni, non plus, ses faiblesses. La deuxième moitié du XIe siècle voit se développer l'érémitisme individuel et communautaire (Camaldules, Chartreux...) et constitue le zénith du monachisme clunisien. Le XIIe siècle est, pour sa part, une période d'effervescence religieuse avec l'expansion de l'ordre cistercien, dont les abbayes ne tardent pas à couvrir l'Europe, la naissance des ordres chevaleresques et hospitaliers (Temple, Saint-Sépulcre...), la résurgence de la vie canoniale régulière, menée par des chanoines vivant en communauté et exerçant une activité pastorale ou caritative (Prémontrés...) et, dans la seconde moitié du siècle, la multiplication des groupes évangéliques laïcs (Humiliés, Vaudois...). Plusieurs de ceux-ci critiquent vigoureusement la richesse et les abus du clergé et se livrent à la prédication sans autorisation, ce qui leur vaut d'être excommuniés. Certains de ces groupes réintégreront l'Église sous Innocent III, d'autres en resteront exclus. Enfin, il faut mentionner la propagation en Italie du nord, en Provence et, surtout, dans le midi toulousain et en Languedoc d'une hérésie enracinée dans l'Évangile mais dont la conception dualiste du monde est étrangère à la foi chrétienne : le mouvement albigeois ou cathare, qui en certaines régions forme une véritable église parallèle, dotée d'un épiscopat et d'un clergé. La croisade contre les Albigeois (1209-1229), proclamée en réponse à l'assassinat d'un légat pontifical, puis l'action de l'Inquisition mèneront à son éradication.