L'IMAGE A L'EPOQUE GOTHIQUE (1140-1280)

WIRTH JEAN

CERF

Résumé :

Après « L'Image à l'époque romane » (1999), Jean Wirth poursuit son étude d'ensemble de l'image au Moyen Âge en abordant l'époque des grandes cathédrales. L'image acquiert alors un prestige qu'elle n'avait jamais eu auparavant dans le monde occidental et qu'elle ne retrouvera plus. Cela tient à une confiance dans le visible que manifestent aussi bien la pensée scientifique que le système religieux. Il s'ensuit, dans les arts, une recherche intense de la ressemblance qui aboutit, vers 1200, au retour du dessin d'après nature, abandonné à la fin de l'Antiquité. Grâce à la polychromie de la statuaire, le plus souvent disparue depuis, les saints et les grands de ce monde prennent une présence et une séduction saisissantes.

 

Pour rendre compte de ce moment privilégié de l'histoire de l'art, il fallait dépasser quelques préjugés, à commencer par les préjugés esthétiques comme les dichotomies entre idéalisation et représentation de la nature ou encore entre dessin technique et artistique. Il fallait aussi renoncer à expliquer la religion médiévale et ses réalisations par la crédulité d'un peuple opprimé et misérable.

 

Il fallait enfin tenter de surmonter une méconnaissance du système religieux médiéval, qui est entretenue aussi bien par ses héritiers que par ses détracteurs. Nous associons spontanément la religion au moralisme et nous avons quelque difficulté à imaginer la place qu'elle accordait, au XIIIe siècle, à une époque où les plus grands savants pouvaient devenir papes, aux préoccupations scientifiques et esthétiques. Nous ne concevons pas plus facilement le décentrement qui s'est opéré dans le système au profit d'une sorte de déesse-mère, épouse d'un dieu qui ne régnera vraiment qu'à la fin des temps. On ne nous a pas enseigné souvent que les plus grands théologiens exigeaient d'adorer la chair du Christ et son image de latrie, encore moins qu'ils voyaient dans la résurrection de la chair le moyen de jouir pleinement de la vision béatifique, sacralisant ainsi le plaisir du plus noble des sens.

 

Jean Wirth

[ Né en 1947 ]

 

Jean Wirth, ancien élève de l'École des chartes, est professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Genève. Spécialiste de l'image médiévale, il est l'auteur d'importants travaux qui se caractérisent par un égal intérêt pour les problèmes traditionnels de l'histoire de l'art et pour l'étude des systèmes de représentation.

 

EN GUISE D'INTRODUCTION. — La fontaine de Narcisse

7

 

PREMIÈRE PARTIE

 

LES SCOLASTIQUES ET L'IMAGE

 

 

CHAPITRE PREMIER. — L'hégémonie du visible

23

  Le surnaturel

25

  Une idée neuve

25

  L'eucharistie

27

  Le règne des substances premières

29

 

CHAPITRE II. — La définition de l'image

35

  L'image comme signe

35

  Ressemblance

36

  Expression

38

  Caractère déterminé

38

  Le contenu de la représentation

39

  Caractère incomplexe

39

  Caractère sensible

40

  La représentation de l'individuel

43

 

CHAPITRE III. — Le culte des images

49

  La nouvelle doctrine

49

  L'image contre la relique

54

  Le miracle de la Véronique

56

  Les images miraculeuses

61

  Notre_Dame de Montcuq

64

  La substitution de l'image à la relique

68

  L'éclipsé des reliques

69

 

CONCLUSION

73

 

DEUXIÈME PARTIE

 

L'IMITATION DE LA NATURE

 

 

CHAPITRE PREMIER. — L'organisation sémantique

79

  Les significations de l'image

80

  Le sens littéral

81

  La typologie

84

  La tropologie

90

  L'anagogie

94

  Les programmes

96

  De l'abstrait au concret

98

  Le choix de la lisibilité

101

  L'exposé et le récit

105

  Limites de la cohérence des programmes

112

 

CHAPITRE II. — Art et création

117

  La statue de Pygmalion

117

  L'esthétique de l'imitation

125

 

CHAPITRE III. — Le reflet du divin

133

  L'image hylémorphique

135

  Hylémorphisme, ascétisme et tabloïdes

135

  Le corps miroir de l'âme

140

  Corps et vêtement

153

  La laideur de l'âge et l'horreur du cadavre

162

  Le règne animal et végétal

165

  L'ordre du vivant

166

  L'observation de la nature

169

 

CHAPITRE IV. — Les moyens d'expression

177

  L'intégration artistique

177

  L'architecture et son image

182

  La couleur

187

  La recherche de l'illusion et ses limites

190

  La résistance de l'image peinte

191

  Le trompe_l'œil

194

  La modernité du XIIIe siècle

198

 

CONCLUSION

203

 

TROISIÈME PARTIE

 

L'UNIVERS ICONOGRAPHIQUE

 

 

CHAPITRE PREMIER. — Incarnation et spiritualisation de la chair

209

  La parenté spirituelle

210

  Un problème d'interprétation

210

  Inceste et royauté

214

  Le sacrifice humain

220

  La déesse et son parèdre

221

  La Vierge à l'Enfant

222

  Le cycle de l'Enfance

228

  Le crucifix et la crucifixion

234

  Le spectacle de la Passion

241

  Mort et couronnement de la Vierge

247

  Conclusion

256

  Le septième sacrement

257

  Un sacrement pas comme les autres

258

  Fêter une conception ?

260

  Mariage et sainteté

261

  L'amour courtois

271

  La polysémie de l'amour

272

  Anges et angélisme

276

  La cuisine du diable

282

 

CHAPITRE II. — Le culte des morts

287

  Les saints

288

  La demeure des saints

288

  Le choix des saints

291

  Rois, patriarches et prophètes

299

  Des statues_colonnes à la galerie des rois

300

  Salomon et Marcolfe

306

  Du tombeau à la statue

309

  Le gisant

311

  L'image du souverain vivant

316

 

CHAPITRE III. — Les fins de l'homme

327

  La roue de Fortune

329

  Un thème grégorien

330

  Variations

333

  Le Jugement dernier

340

  La mise en place du Jugement dernier gothique à Saint_Denis

341

  La fin des prélatures

347

  Le roi de la fin des temps

353

  L'irruption de saint François à Amiens

360

  Happy end

364

  L'optimisme moral

368

  Vertus et vices

369

  L'eschatologie de la construction

375

 

CONCLUSION

383

 

Bibliographie

389

  Sources

389

  Littérature secondaire

391

 

Liste des illustrations

403

Index

411

Crédits photographiques

421